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Interface utilisateur : la convergence du Web, de la mobilité et du modèle classique.

Interface utilisateur

L’interface « homme-machine », le dispositif qui vous permet d’interagir avec votre équipement préféré tel que votre téléphone intelligent, est la composante clé qui détermine l’efficacité et la satisfaction que vous pouvez en tirer.

Lors d’une récente session sur mon portail bancaire, je remarquais que de nouvelles options avaient été ajoutées à la page principale, que certaines avaient été déplacées, qu’on avait modifié le libellé de certaines autres options… J’ai alors esquissé un sourire, résultat d’une espèce d’émotion hybride. L’utilisateur en moi : « merde, où est rendu la fonction, je n’ai pas de temps à perdre » versus le concepteur de logiciel en moi : « hum, bien pensé, c’est beaucoup plus logique ».

Je suivais le sujet de près depuis quelques années, mais voilà qu’il m’apparaissait mûr: la conception d’interfaces des applicatifs Web et mobiles est arrivée à une étape charnière. Une étape vécue historiquement par les applicatifs classiques.

À mon avis, les enjeux des interfaces Web et mobiles devraient se réaligner dans le courant principal de réflexion d’ici 3 à 5 ans avec la convergence évidente, sur le plan de la gestion, des applicatifs multiplateformes et multipériphériques. Je vous propose ici ma vision des choses quant aux impacts potentiels à considérer pour le concepteur de produits.

Tout en continuant de devoir être assurément esthétiques, les interfaces utilisateurs Web et mobiles seront dorénavant confrontées plus que jamais au paradoxe de l’équilibre entre la « Simplicité » et l'« Efficacité ».

Vous noterez peut-être que mon billet n’accorde pas toute l’importance nécessaire à la notion « d’esthétisme ». Cette omission est volontaire pour éviter de m’embourber dans des questions délicates telles que : Qu’est-ce qui est beau et qu'est-ce qui ne l’est pas? Vous aimez le vert, mais qu’en est-il de votre voisin?

L’esthétisme est une notion relative, et donc subjective. Les références collectives existent, mais le sujet nécessiterait un billet en soi. D’autre part, cette subjectivité appelle à la capacité de personnalisation des interfaces, une notion que j’intégrerai au passage.

Ce qui est simple est efficace… Euh, vraiment?

Depuis le début des années 2000, les notions de simplicité et d’efficacité ont été fortement bousculées, mais surtout trop souvent mélangées avec des réflexions du type « Une interface simple est nécessairement efficace » ou le contraire « Une interface efficace est nécessairement simple ». La première des deux étant la plus courante.

D’abord, si la simplicité et l’efficacité sont des notions cartésiennes, mesurables, il n’en reste pas moins qu’elles sont extrêmement relatives selon l’utilisateur.

De plus, on ne peut mesurer que des résultats. Dans le cas qui nous préoccupe, nous pouvons dire qu’il s’agit de l’atteinte de deux objectifs de base :

  • Faire une tâche pour obtenir un résultat souhaité.
  • Faire la tâche en question le plus rapidement possible.

De là, voyons immédiatement la distinction à faire :

  • La capacité de faire une tâche par le biais d’une interface est liée à son degré d’interprétation intuitive pour poser les actions nécessaires. Si l’utilisateur ne peut comprendre ou déduire facilement ces actions, les probabilités d’absence de résultat et de blocages opérationnels augmentent.
  • La rectitude et la rapidité avec laquelle la tâche peut être effectuée via l’interface déterminent l’efficacité de cette dernière. Pour être sûr que nous sommes au même endroit, si l’interface est simple, mais qu’il ne conduit pas à la bonne tâche… C’est foutu!

Que cachent ces constats? Que la nature des tâches et les connaissances de l’utilisateur le prédisposent automatiquement quant à la perception de ce qu’il considère simple et efficace.

Ajoutez les dimensions psychologiques (ce que je connais m’apparaît plus simple) et d’imprévisibilité du monde réel (je dois faire plusieurs choses en même temps) et nous obtenons la toile de fond qui explique en grande partie pourquoi les notions de « simplicité » et « d’efficacité » ont perdu autant leurs références chez les concepteurs de produits au cours des dernières années.

Adapter l’ergonomie de la machine aux compétences du conducteur

Compte tenu de la variabilité extrême des contextes opérationnels, il devient très important de profiler adéquatement, et le plus tôt possible, votre utilisateur final. Cette information est cruciale pendant le processus de conception de l’interface d’une fonction ou des principes généraux de navigation d’un produit.

Le recours à des groupes de discussion (« focus group ») s’avère un passage obligé pour vous permettre d’établir des lignes directrices fiables en lien direct avec votre futur utilisateur.

Outre les données démographiques pertinentes (âge moyen, sexe, formation académique, expérience pertinente, etc.), ce qui m’apparait un élément de base à établir est le profil opérationnel de l’utilisateur cible. Deux aspects devraient être quantifiés à ce niveau :

  • Tâches répétitives ou variables. En termes de nombre d’interactions types avec l’applicatif, quelles proportions (%) visent une même tâche par jour?
  • Taux d’imprévus opérationnel. Combien de fois par jour êtes-vous interrompu pendant une tâche pour faire une autre tâche différente?

Interface statique, interface dynamique et autres

Sans conclure à un lien direct, le mode d’interaction à privilégier avec un utilisateur est fortement influencé par son profil opérationnel.

Une interface statique se prête habituellement mieux à un environnement de travail plus répétitif. Une structure statique facilite l’optimisation « simplicité/efficacité ».

D’ailleurs, l’utilisation d’interface statique est à la base même du succès et de la pénétration des interfaces Web et mobiles à partir des années 2000. Lorsque l’objectif n’est de faire qu’une seule ou que quelques tâches, l’interface de ce type d’applicatif peut devenir extrêmement statique, simple et efficace.

Ajoutez les possibilités graphiques du jour et des possibilités fonctionnelles restreintes et vous obtenez également une plus grande flexibilité pour créer de l’esthétisme. Steve Jobs en a fait la preuve éloquente : la simplicité n’aura jamais été aussi belle, raffinée et attirante!

De leur côté, les interfaces dynamiques présentent tout leur potentiel dans les contextes de gestion où l’imprévu est roi. Des contextes dans lesquels l’utilisateur doit constamment modifier son plan de travail. La clé dans ce cas est la notion d’adaptabilité à la situation imprévue, la flexibilité d’adaptation opérationnelle.

Sur le plan historique, l’interface dynamique est communément appelée « interface contextuelle » ou « interface à menus contextuels » (Context-Sensitive User Interface). Il a émergé au cours des années ’70 avec le concept des interfaces graphiques (GUI – Graphical User Interface).

Sans oblitérer la notion de « Simplicité », l’enjeu principal de ce type d’interface devient l’efficacité, la rapidité avec laquelle l’utilisateur peut passer d’un contexte de travail à un autre et la rapidité avec laquelle il peut revenir à son contexte initial, qui n'est pas à négliger. Pour utiliser des termes de gestion manufacturière, nous dirions que ces interfaces sont des spécialistes de réduction des temps de mise en marche (« setup time »).

Il faut souligner aussi l’introduction récente du concept d’interface adaptatif, exploité plus particulièrement dans l’univers du Web sous le libellé mieux connu de « Responsive Web Design ». Toutefois, il ne faut pas confondre ce dernier avec le concept d’interface dynamique. La distinction n’est pas un automatisme évident pour le profane, j’en conviens.

Le concept d’interface adaptatif s’attaque à l’enjeu de la qualité constante de l’expérience utilisateur dans le cadre de la variabilité des plates-formes matérielles exploitées par l’applicatif Web ou mobile. Si vous changez d’équipement, on s’assure que vous demeuriez dans un contexte de navigation logique et performant.

Ce joyeux mélange de possibilités technologiques nous conduit finalement à la tendance lourde de l’interface personnalisable. Cette approche permet à l’utilisateur de créer sa propre saveur de « simplicité/efficacité » et d’augmenter ainsi son confort d’utilisation et ses performances, deux aspects liés à l’optimisation de sa productivité. La tendance ne fera que s’accentuer à ce niveau.

Et pour le futur, l’interface à morphologie adaptable est certainement un incontournable pour combiner de façon fluide différents modes d’interaction (statique, dynamique) pour un même utilisateur. Les tableaux de bord de gestion sont des cibles parfaites pour ce type d’approche.

Mais encore…

Cette panoplie de possibilités nous laisse croire que tout est en place pour poursuivre notre ascension sur la courbe de la productivité individuelle et corporative. Mais il y a un phénomène susceptible d’impacter le cheminement des applicatifs Web et mobiles et, donc, de toucher bien des utilisateurs de technologies sur la planète.

Pour saisir ce phénomène, il faut d’abord mettre en perspective que depuis leur pénétration active à partir des années 2000, les principes et concepts d’interfaces d’utilisation des applicatifs Web et mobiles ont très peu été remis en question par rapport, par exemple, à l’évolution historique des GUI. Le marché et le client ont imposé la route à suivre en absence d’exigences opérationnelles critiques.

L’univers du Web et de la mobilité s’est donc développé pratiquement en parallèle comme si une coupure spatio-temporelle était survenue dans le continuum de l’évolution technologique historique.

Les besoins étaient simples et/ou les possibilités technologiques étaient, somme toute, limitées en grande partie par la vitesse et le prix de la bande passante. Mais la réduction progressive des coûts de communications combinée aux innovations portées par la virtualisation matérielle ouvre dorénavant de nouveaux horizons aux applicatifs Web et mobile. Ces nouveaux horizons de gestion amènent avec eux leurs impératifs.

Il est de la tendance naturelle de l’homme à vouloir constamment en faire davantage avec ses outils. L’utilisateur de technologies informatiques n’est pas différent. Il cherche constamment à en faire plus, à en obtenir davantage. Et ce réflexe est encore plus présent dans le contexte spécifique de l’accroissement de la productivité organisationnelle.

L’applicatif, qui offrait jusqu’à maintenant que quelques options (appeler, expédier un courriel, payer une facture), devrait donc, en principe, être de plus en plus bonifié sur le plan fonctionnel.

Comme l’accès à une fonction nécessite un élément visuel (hyperlien, bouton, icône, etc.) pour son activation, l’évolution naturelle peut nous conduire vers un bel arbre de Noël en matière d'interface.

Passé un certain degré limite de charge visuelle, une interface perd automatiquement en simplicité et en efficacité. Il est connu que l’être humain ne peut se concentrer que sur un maximum d’éléments visuels à la fois, 3 à 5 habituellement, pour prendre une décision et interagir rapidement. Comme la simplicité et l’efficacité sont deux conditions essentielles pour justifier l’utilité d’un applicatif, il faut donc revenir à la case départ si la surcharge d’une interface dégrade ces aspects.

Il faut déduire ici que l’accroissement de la capacité fonctionnelle d’un applicatif entraîne éventuellement un exercice de structuration fonctionnelle de l’interface qui peut, malheureusement, être associé parfois à de la perte de simplicité pour certains utilisateurs.

Pour le concepteur d’applicatifs

Le concepteur de produits Web et mobiles sera donc confronté comme jamais auparavant au dilemme d’équilibre « simplicité/efficacité » au cours des prochaines années. Il doit donc anticiper cette mouvance pour garantir l’évolution et la pérennité de ses applicatifs.

Pour certains concepteurs, il est possible aussi que le phénomène produise moins de vagues que prévu. Si vous ciblez un utilisateur à tâches très spécialisées, l’interface statique conservera alors son positionnement stratégique. Autrement dit, si votre produit n’a pas de vocation naturelle pour un déploiement opérationnel étendu, vous êtes probablement hors d’atteinte.

Pour les autres, voici quelques suggestions à mijoter dans le cadre d’une stratégie de réalignement, au besoin :

  • S’il s’avère possible de vous doter d’une feuille de route de produit claire et précise (« Product Road Map »), cette dernière devrait vous permettre de garantir la fluidité d’évolution de votre interface et d’éviter le principal écueil commercial, soit celui de décevoir une clientèle existante à la suite de changements radicaux.
  • Si le réflexe des changements progressifs est alléchant pour des raisons de temps, conservez à l’esprit que la cohérence de votre interface utilisateur contribue fortement à la rapidité d’adoption de votre nouvelle vision par vos utilisateurs. L’incohérence dans les mécanismes d’interaction peut être perçue comme un produit non terminé ou incomplet.
  • Réfléchissez beaucoup avant de faire une refonte globale et fondamentale de votre interface utilisateur. Assurez-vous de conserver la personnalité de votre produit, sa philosophie, bref tous les éléments qui ont contribué à son positionnement par rapport à votre concurrence. Devenir quelqu’un d’autre que vous n’avez jamais été n’est pas impossible, mais l’opération exige du doigté sur le plan des communications.

En conclusion

À l’heure où le téléphone intelligent est l’extension technologique par excellence de l’être humain, faisant de lui un pseudocyborg, cet utilisateur continuera d’en demander plus et de vouloir tirer davantage de ses outils technologiques.

Les applicatifs Web et mobiles seront donc inévitablement confrontés à de nouveaux enjeux d’ergonomie d’interface au fur et à mesure de la bonification de leurs capacités fonctionnelles.

Au moment où le téléphone intelligent se présente comme le périphérique unificateur de tous les besoins (film, TV, banque, journal, agenda, téléphone, achats, feuille de temps, etc.), les enjeux d’interface pour toutes les plateformes technologiques confondues sont désormais réunis sous un même courant de recherche et d’innovation.

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